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22 novembre 2012 4 22 /11 /novembre /2012 14:47

 

 

  Vous écoutez le Ballet de la Prospérité et des Armes de France, acte I, entrée 6,  la Renommée et la Victoire de François de Chancy (1600-1656), maître de musique du cardinal de Richelieu. Destiné à célébrer officiellement les victoires d'Arras et de Casal (1640) il fut aussi appelé le Ballet du cardinal de Richelieu parce qu'il fêta le mariage de la propre nièce du Cardinal, Claire-Clémence de Maillé-Brézé avec le duc d'Enghien, futur Grand Condé (1621-1686).

 

 

 

 

Le XVIIe siècle : censure, raison d’Etat et raison d'Eglise

 

 

Si la censure s’est relâchée durant le règne d’Henri IV, le roi assassiné en 1610 s’est néanmoins posé dès 1598 comme le garant de la raison d’Etat qui pouvait imposer sa loi à chaque sujet, quelle que fût sa foi. L’un des aspects de la construction de l’Etat absolutiste fut justement la mise en place d’un système de censure d’une ampleur sans précédent.

 

Au plus haut sommet du pouvoir durant le règne de Louis XIII (1610-1643), la raison d’Etat s’est opposée à la raison de religion ; le parti de Richelieu s’opposa au parti des dévots, emmené par la Reine-Mère Marie de Médicis. Chacun se dota d’une armée d’écrivains à sa solde et la guerre de libelles entraîna le débat bien au-delà des clivages originels.

 

Du côté du roi Louis XIII, de Richelieu et de la Raison d’Etat, l’idée du mensonge pour le bien « public » et pour être crû prévalait ; Machiavel était à ce moment-là très sujet à polémiques, plus d’un siècle après avoir écrit le Prince (1515) et nombre d’ouvrages chrétiens le déploraient. Le jésuite Caussin (1583-1651), confesseur du roi, qui sera renvoyé à la demande de Richelieu, écrivit dans La Cour sainte (1624) que Nicolas Machiavel était un esprit "taré" :

 

« On vous a dit que pour être bon cavalier, il faut que vous deveniez un petit Cyclope, sans sentiment de Dieu, ni de religion, car la dévotion serait pour affaiblir vos guerrières humeurs. Ceux qui vous ont dit cela ne vous ont rien dit de nouveau, c’est une vieille chanson qu’ils ont tirée de Machiavel, qui pensant faire un prince, a fait une bête sauvage ».

 

books.jpg

 

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On assiste donc à un durcissement de la censure royale destinée à contrôler l’opinion (et l’expression libre de toute critique) simultanément à la propagande chargée de la façonner dans le sens de la raison d’Etat, deux tâches assumées de façon rationnelle par le pouvoir royal.

 

Dans ses considérations politiques sur les coups d’Etat (1639), Gabriel Naudé (1600-1653) le dit sans ambages, la raison d’Etat ne doit s’embarrasser de rien :

 

« Le roi doit le manier [le peuple] et persuader par belles paroles, le séduire et tromper par les apparences, le gagner et tourner à ses desseins par des prédicateurs et miracles sous prétexte de sainteté, ou par le moyen de bonnes plumes, en leur faisant faire des livres clandestins, des manifestes, apologies et déclarations artistement composées, pour le mener par le nez, et lui faire approuver ou condamner sur l’étiquette du sac tout ce qu’il contient ».

 

Considerations-sur-les-coups-d-Etat--edition-de-1667.jpg

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Face aux libelles de propagande en faveur du roi, rétorquèrent et le parti de la reine-Mère, et le parti de l’Eglise, quand ce n’étaient pas les Jansénistes ; rien n’est plus évocateur du débat essentiel sur le droit de critiquer l’Etat que cette diatribe La Vérité défendue (1645) de Mathieu de Morgues (1582-1670), passé dans le camp de Marie de Médicis, contre l’Académie française créée par Richelieu en 1635 :

 

« Si les sycophantes du cardinal sont des chiens qui lèchent celui qui tient le bâton en une main avec lequel il les menace, et en l’autre le pain qui les ameute contre ceux qu’il veut faire mordre ; qu’il considère que nous ne craignons point ses coups, et que nous n’aboyons pas après ses biens, lui ayant abandonné les nôtres. Nous l’avons prié souvent de commander à ses écrivains de se taire : […] il ne nous reste qu’à nous défendre avec les mêmes armes qu’on emploie contre nous ».

 

La-verite-defendue.jpg

 

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Ainsi, au sommet de l’Etat et de l’Eglise, se répandaient les imprimés les plus violents et les plus vindicatifs pour faire triompher chaque vérité. Ces guerres, au milieu desquelles la censure allait bon train, étaient en train de faire le lit d’une expression plus collective et bien plus déstabilisatrice, au fur et à mesure de la progression inédite de l’alphabétisation.

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